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Confinement et liens sociaux : les chercheurs d’UT2J ont passé nos relations à la loupe
L’homme est un animal social disait Aristote. Retour sur le confinement, où, dès le début, nous avons mis en place des stratégies pour garder le lien… ou pas. Un groupe de 12 chercheur.es en sciences sociales*, dont 6 du LISST, se penche sur le phénomène.
Se parler de balcon à balcon, à travers une vitre, en visioconférence via nos ordinateurs ou téléphones portables : depuis la mi-mars et durant deux mois, nos façons de communiquer se sont radicalement transformées. Mais cette situation, jamais vécue jusqu’ici, ne modifie pas seulement les modes de communication, elle agit aussi sur la nature même des liens sociaux. Michel Grossetti, est directeur de Recherche au CNRS, membre du LISST-Cers et directeur d'études à l'EHESS. Il fait partie de l’équipe de douze chercheur.es qui a lancé le 14 avril une enquête en ligne pour comprendre les effets du confinement sur les relations sociales et ce qui change par rapport à la situation antérieure. « Les relations se créent et se maintiennent dans les interactions », explique le sociologue. « En contraignant ces dernières, le confinement met les relations à l’épreuve. Quels sont les liens que les personnes cherchent à maintenir ou à renforcer, et ceux qu’elles sont plus facilement prêtes à laisser en suspens ? ».
Le confinement, révélateur d’une tendance sociétale ?
Le questionnaire « Relations sociales et solidarités en période de confinement » a été conçu en un temps record par les chercheurs pour répondre à ces questions. Articulé en plusieurs parties, il entend d’abord poser le contexte matériel, géographique, social, avant d’aborder la question des relations sociales, avant et pendant le confinement. « Un tel questionnaire ne permet pas d’entrer dans des détails très fins, mais devrait déjà permettre de se faire une idée des tendances » précise Michel Grossetti. Et deux hypothèses semblent se dessiner dans le contexte du confinement. La première est celle d’un resserrement des liens forts, c’est-à-dire qui concernent l’entourage proche, familier ou amical. La seconde est celle d’un resserrement des liens avec les personnes qui nous ressemblent socialement (niveau d’études ou catégorie socio-professionnelle similaires par exemple). Si cette hypothèse se vérifie à l’analyse des données de l’enquête, cela signifierait, note Michel Grossetti, que le confinement a pu contribuer à renforcer une tendance déjà observée ces dernières décennies : l’accroissement des liens homophiles. « Ce qui est un indice de la fragmentation de la société française. On se fréquente un peu plus qu’avant entre personnes du même milieu social », précise le sociologue.
Et après le confinement ?
Quelques soient les modifications que le confinement produit sur les relations sociales, elles s’inscrivent dans notre histoire. L’avenir nous dira si elles seront durables ou constituent une simple parenthèse dans nos vies. L’enquête aura observé ces modifications. « Si les activités reviennent assez rapidement à ce qu’elles étaient auparavant, nous aurons documenté les effets temporaires d’une situation de ce type, mais qui risque de se reproduire », souligne Michel Grossetti. « S’il s’avère que la crise s’installe dans une durée plus longue, alors ce confinement sera un épisode d’un processus qui en comportera d’autres et qu’il faudra suivre » ajoute-t-il.
* UT2J (SMS, LISST-Cers), EHESS (CESSP), Université Aix-Marseille (LEST), Université Grenoble Alpes (Pacte), CNRS, Institut des Sciences sociales du politique.