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Découverte archéologique majeure grâce au laboratoire Traces et à la MSHS-T
Près de 80 ans après sa découverte, un grand coquillage vieux de 18 000 ans, issu de la grotte ornée de Marsoulas, dans les Pyrénées, a été étudié par une équipe pluridisciplinaire du CNRS, du Muséum de Toulouse, de l’Université Toulouse - Jean Jaurès et du musée du quai Branly - Jacques-Chirac : ce serait le plus ancien instrument à vent de ce type. Les scientifiques en dévoilent notamment le son, dans une étude publiée dans la revue Science Advances le 10 février 2021.
La grotte de Marsoulas, aux confins de la Haute-Garonne et de l’Ariège, est la première grotte ornée découverte dans les Pyrénées, en 1897. Elle témoigne des débuts de la culture magdalénienne (Couvrant une période comprise entre 21 000 et 14 000 ans avant le présent environ, elle se caractérise par le travail de l’os et des bois animaux et par des réseaux d’échanges très vastes) dans la région, à la sortie du dernier maximum glaciaire.
Lors d’un inventaire du matériel issu des fouilles archéologiques, conservé en grande partie au Muséum de Toulouse, des scientifiques dont des membres Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (CNRS/Université Toulouse - Jean Jaurès/Ministère de la Culture) et de la Maison des sciences de l'homme et de la société de Toulouse (CNRS/Université Fédérale de Toulouse) se sont penchés sur un grand coquillage de l’espèce Charonia lampas (triton à bosses), auquel ses découvreurs en 1931 n’avaient pas particulièrement prêté attention.
La pointe de la coquille est cassée, formant une ouverture de 3,5 cm de diamètre. Cette partie étant la plus dure du coquillage, la cassure n’est pas accidentelle. À l’autre extrémité, l’ouverture du coquillage présente aussi des traces de retouches (débitage). Une tomographie révèle en outre la perforation d’une des premières spires. Enfin, la coquille est décorée avec un pigment rouge (de l’hématite) caractéristique de la grotte de Marsoulas, ce qui dénote son statut d’objet symbolique.
Pour confirmer l’hypothèse que cette conque servait à produire des sons, les scientifiques ont fait appel à un joueur de cor, qui a réussi à produire trois sons proches des notes, do, do dièse et ré. L’ouverture étant irrégulière et recouverte d’un enduit organique, les chercheurs et chercheuses supposent qu’un embout y était fixé, comme c’est le cas sur des conques plus récentes des collections du musée du quai Branly - Jacques Chirac. Des impressions 3D de la conque permettront d’explorer cette piste et de vérifier si cela permet de produire d’autres notes.
La première datation de la grotte par la méthode du carbone 14, effectuée sur un morceau de charbon de bois et un fragment d’os d’ours du même niveau archéologique que le coquillage, a donné un âge d’environ 18 000 ans. Cela fait de la conque de Marsoulas le plus ancien instrument à vent de ce type : seules des flûtes avaient été découvertes en Europe dans des contextes plus anciens du Paléolithique supérieur ; et les conques retrouvées hors d’Europe sont bien plus récentes.
En plus de nous plonger dans les sonorités produites par nos ancêtres de culture magdalénienne, ce coquillage renforce l’idée d’échanges entre les Pyrénées et la côte atlantique, à plus de 200 kilomètres.
Pour aller plus loin :
Les chercheurs et chercheuses impliqué·e·s :
- Carole Fritz, chercheuse CNRS et responsable du Centre de recherche et d’études de l’art préhistorique
- Émile-Cartailhac (CREAP) de la Maison des sciences de l'Homme et de la société de Toulouse (MSHST – CNRS, Université de Toulouse, Science Po Toulouse)
- Gilles Tosello, chercheur associé au Centre de recherche et d’études de l’art préhistorique
- Guillaume Fleury, chargé des collections de Préhistoire du Muséum de Toulouse Francis Duranthon, directeur du Muséum de Toulouse
- Pascal Gaillard, enseignant-chercheur UT2J au laboratoire Cognition, langues, langage, ergonomie (CLLE – CNRS, Université Toulouse - Jean Jaurès, Université Bordeaux Montaigne)