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Impacts du confinement, les chercheurs UT2J lancent l'enquête
Quels effets psychologiques auront, sur nous, 2 mois de confinement ? Une équipe du laboratoire en psychopathologie et psychologie de la santé (Cerpps) mène actuellement une étude inédite dans le cadre de l’appel d'offre national lancé par l’Agence nationale de la Recherche sur le Covid-19. Explications.
« Aujourd’hui, qui peut dire avoir vécu un confinement, à part les astronautes ? » interroge Florence Sordes, maître de conférences en psychologie à l’UT2J, et responsable du pôle psychologie de la santé au sein du Cerpps (Centre d’études et de recherches en psychopathologie et psychologie de la santé). Si les astronautes suivent une formation rigoureuse pour vivre le confinement, ce n’est évidemment pas le cas des trois milliards d’individus soudainement contraints à rester chez eux depuis la mi-mars. Cette situation inédite en France a amené une équipe de chercheurs à monter le projet EPIDEMIC. Une vaste étude pluridisciplinaire, dont Florence Sordes dirige le volet psychologie. « Même si nous sommes trois milliards à vivre confinés, nous ne vivons et ne ressentons pas tous la même chose. Nous n’avons pas tous la même histoire, les mêmes ressources humaines, financières, sociales, émotionnelles… Ce qui intéresse le scientifique c’est le vécu. L’objectif de notre étude est de voir si les milieux dans lesquels vivent les personnes ont une incidence sur la façon d’appréhender la pandémie et le confinement », explique Florence Sordes.
Un terrain d’étude encore à explorer
Car la science connaît mal les effets psychologiques d’un confinement aussi long, et ce qui détermine qu’une personne développera ou non des symptômes. Les études menées lors des épidémies du SRAS, Ebola ou de la Grippe H1N1, ont certes établi l’aspect traumatogène d’un état de confinement et ses possibles répercussions sur le plan psychologique : fatigue émotionnelle, stress, troubles du sommeil, colère, peur… Mais beaucoup de questions restent en suspend : « concernant les déterminants de ces conséquences, les résultats sont inconsistants quant au rôle de l’âge, du genre, du niveau social, ou encore du statut marital » précise Florence Sordes. En ce qui concerne le COVID-19 et le confinement actuel, des travaux commencent à être publiés à partir de l’expérience chinoise. « Sur un échantillon de 52 000 personnes, il semble que le rôle de l’âge, du genre, et du niveau d’études soient mis en évidence », explique Florence Sordes. Les témoignages chinois révèlent ainsi davantage de détresse psychologique chez les plus jeunes et les plus âgés, chez les femmes, et chez les personnes les plus éduquées. Reste à savoir si cela sera la même chose en France. Car, rappelle la chercheuse : nous ne sommes pas tous égaux devant cette situation.
Le confinement devient traumatisme après 10 jours
Ce qui est déjà très bien connu par la psychologie c’est la possible installation d’un stress post-traumatique au-delà du dixième jour de confinement. « Cela est montré dans plusieurs études. Et à l’heure où je vous parle, alors que l’on sait que le confinement est allongé jusqu’au 11 mai, un véritable traumatisme s’installe pour certains : perte d’intérêt, de motivations, humeur négative… » souligne Florence Sordes. Avant de préciser que le stress post-traumatique n’est toutefois pas systématique et dépend avant tout des ressources de chacun. A l’inverse, le confinement peut aussi avoir des effets positifs que ne manque pas de remarquer la chercheuse : avoir du temps supplémentaire pour soi, redécouvrir son lieu d’habitation, ses proches, le goût de cuisiner…
L’enquête en ligne jusqu’en septembre
Comprendre comment les français vivent cette situation inédite permettra à la fois de faire un état des lieux, mais aussi de développer des prises en charge plus adaptées, et sur le long terme, d’avoir une base de connaissance pour réagir en cas de nouvelle pandémie. Pour cela, l’étude menée par l’équipe de Florence Sordes analyse la situation sur sa longueur et se décline donc en trois temps : un premier questionnaire pendant le confinement, un second lors du déconfinement et un troisième trois mois après. Tous ceux qui le souhaitent sont invités à répondre au questionnaire en ligne. Les résultats de l’étude devraient être publiés à partir du premier semestre 2021.