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Michel Grossetti, directeur de recherche CNRS au laboratoire LISST, médaille d'argent CNRS 2023
Publié le 6 mars 2023 – Mis à jour le 22 mars 2023
Un prix qui vient récompenser le parcours atypique d’un chercheur passionné
Chaque année le CNRS récompense les femmes et les hommes qui ont le plus contribué au rayonnement, à l’avancée et à l'accompagnement de la recherche. La médaille d'argent distingue des scientifiques pour l'originalité, la qualité et l'importance de leurs travaux, reconnus sur le plan national et international.
Parmi les talents récompensés cette année, Michel Grossetti, directeur de recherche CNRS au laboratoire LISST, également directeur d’études à l’EHESS et chargé de cours UT2J.
Diplômé en mathématiques appliquées, option statistiques, il est engagé par l’Université Paul Sabatier sur un poste de statisticien en appui à la recherche et aide les chercheurs de diverses disciplines dans l’analyse de leurs données.
Il soutient en 1985 une thèse en sociologie sur le mode de vie des enseignants français en coopération dans l'ancienne zone coloniale de la France, enrichie de sa propre expérience de professeur de mathématiques au Maroc effectuée pour son service militaire.
Recruté en 1988 par le CNRS avec ce profil atypique de sociologue spécialisé en statistiques, en découle ensuite un parcours fait de rencontres, de projets et de responsabilités jusqu’à devenir directeur de recherche.
Membre des différents laboratoires devenus maintenant le LISST, il dirige pendant plusieurs années une de ses équipes, le CERS. Un temps membre du Comité National du CNRS, il œuvrera également au montage du projet de LabEx SMS, qu’il dirigera entre 2012 et 2020.
Malgré son expertise quantitative, Michel Grossetti défend et utilise la recherche qualitative, particulièrement appropriée pour observer des phénomènes sociaux, passant par la tenue d’entretiens et l’analyse d’archives notamment.
Sa recherche se nourrit de toutes ces interactions, notamment celles sur les activités d’innovation.
Avec des collègues sociologues et géographes de l’UT2J (Béatrice Milard, Marion Maisonobe, Laurent Jégou, Denis Eckert), il a travaillé par exemple au développement d’une géographie des activités scientifiques, construites à partir des bases de données bibliométriques issues notamment de « Web of Science ». Cette analyse défend l’hypothèse d’une tendance mondiale à la déconcentration géographique de la recherche sous l'effet de l'accroissement des effectifs académiques et à l’évolution de l'organisation spatiale de l'enseignement supérieur, vers une répartition plus équilibrée.
Avec d’autres collègues, il a montré que la mobilité géographique des personnes exerçant des professions dites « créatives » - chercheurs, artistes, entrepreneurs - n’obéit pas du tout à une logique d’« attractivité » de villes qui cherchent à faire venir ces personnes par des aménagements spécifiques ou des incitations financières. Ces mobilités sont en fait plutôt liées au marché du travail et à l’existence de relations interpersonnelles.
Pour ces recherches, il a mis au point, avec l’aide de Marie-Pierre Bès notamment, une méthode permettant de repérer la mobilisation de relations interpersonnelles dans divers processus économiques (accès à l’emploi, création d’entreprises, relations science-industrie) et de caractériser les chaînes de relations. Baptisée « narrations quantifiées », elle est fondée sur des témoignages de personnes et l’analyse de source documentaires concernant un même cas.
Les réseaux interpersonnels constituent d’ailleurs un autre grand thème de ses recherches.
Adaptant une méthode américaine, et avec divers collègues, dont Guillaume Favre, également membre du LISST, Michel Grossetti a travaillé à la comparaison des caractéristiques des réseaux en France avec celles des réseaux aux Etats-Unis, en Chine et en Afrique. Cela permet de vérifier que si les réseaux varient selon le contexte (part des relations familiales ou amicales, densité, diversité sociale…), ces variations sont suffisamment limitées pour que les comparaisons fassent sens. Ces enquêtes ont montré, en répétant l’enquête à 16 ans d’intervalle dans la région toulousaine, que les réseaux ont peu évolué mais que l’on observe une tendance à l’accroissement de leur homogénéité sociale, donc d’une forme d’entre-soi.
Ce prix vient aussi conforter Michel Grossetti dans son militantisme pour la défense des sciences sociales, dans la vision et la pratique affirmées à l’UT2J. Face d’une part aux discours décrédibilisants et d’autre part au développement des simulations multi-agents et de l’intelligence artificielle, il est très vigilant et déterminé à affirmer la spécificité des sciences sociales et la nécessité de pratiquer le travail d’enquête et le terrain. Le social ne peut être mis en équation.
Avant de prendre sa retraite, Michel Grossetti a à cœur de finaliser plusieurs projets comme la coordination de la suite de l’enquête sur la vie pendant le confinement (ANR PANELVICO), l’animation du Laboratoire des Idées sur les Nouvelles Questions Sociales (LINQS) du LabEx SMS ou encore la préparation d’un colloque autour de son ouvrage Matière sociale avec des collègues philosophes.
Crédit photo
© David Villa ScienceImage/CBI/CNRS
Parmi les talents récompensés cette année, Michel Grossetti, directeur de recherche CNRS au laboratoire LISST, également directeur d’études à l’EHESS et chargé de cours UT2J.
Itinéraire d’un homme curieux et passionné
Profondément curieux, Michel Grossetti s’intéresse dès le commencement de ses études supérieures à plusieurs disciplines, alors pourquoi choisir ? Il mène de front un cursus en mathématiques à l’Université Paul Sabatier et un autre en sociologie à l’UT2J. Véritable coup de cœur, il se passionne tout de suite pour la discipline et plus largement par les sciences sociales, l’histoire, la géographie et l’économie. Il complète le contenu de ses cours par énormément de lectures.Diplômé en mathématiques appliquées, option statistiques, il est engagé par l’Université Paul Sabatier sur un poste de statisticien en appui à la recherche et aide les chercheurs de diverses disciplines dans l’analyse de leurs données.
Il soutient en 1985 une thèse en sociologie sur le mode de vie des enseignants français en coopération dans l'ancienne zone coloniale de la France, enrichie de sa propre expérience de professeur de mathématiques au Maroc effectuée pour son service militaire.
Recruté en 1988 par le CNRS avec ce profil atypique de sociologue spécialisé en statistiques, en découle ensuite un parcours fait de rencontres, de projets et de responsabilités jusqu’à devenir directeur de recherche.
Membre des différents laboratoires devenus maintenant le LISST, il dirige pendant plusieurs années une de ses équipes, le CERS. Un temps membre du Comité National du CNRS, il œuvrera également au montage du projet de LabEx SMS, qu’il dirigera entre 2012 et 2020.
La recherche, son métier passion
L’histoire des institutions scientifiques, les relations science-industrie, la création d’entreprises dites innovantes, les réseaux interpersonnels… beaucoup de thématiques l’interrogent, l’intéressent et pour chacune d’elles, il va travailler en ajoutant à son regard de sociologue, un point de vue aussi historique et géographique.Malgré son expertise quantitative, Michel Grossetti défend et utilise la recherche qualitative, particulièrement appropriée pour observer des phénomènes sociaux, passant par la tenue d’entretiens et l’analyse d’archives notamment.
Sa recherche se nourrit de toutes ces interactions, notamment celles sur les activités d’innovation.
Avec des collègues sociologues et géographes de l’UT2J (Béatrice Milard, Marion Maisonobe, Laurent Jégou, Denis Eckert), il a travaillé par exemple au développement d’une géographie des activités scientifiques, construites à partir des bases de données bibliométriques issues notamment de « Web of Science ». Cette analyse défend l’hypothèse d’une tendance mondiale à la déconcentration géographique de la recherche sous l'effet de l'accroissement des effectifs académiques et à l’évolution de l'organisation spatiale de l'enseignement supérieur, vers une répartition plus équilibrée.
Avec d’autres collègues, il a montré que la mobilité géographique des personnes exerçant des professions dites « créatives » - chercheurs, artistes, entrepreneurs - n’obéit pas du tout à une logique d’« attractivité » de villes qui cherchent à faire venir ces personnes par des aménagements spécifiques ou des incitations financières. Ces mobilités sont en fait plutôt liées au marché du travail et à l’existence de relations interpersonnelles.
Pour ces recherches, il a mis au point, avec l’aide de Marie-Pierre Bès notamment, une méthode permettant de repérer la mobilisation de relations interpersonnelles dans divers processus économiques (accès à l’emploi, création d’entreprises, relations science-industrie) et de caractériser les chaînes de relations. Baptisée « narrations quantifiées », elle est fondée sur des témoignages de personnes et l’analyse de source documentaires concernant un même cas.
Les réseaux interpersonnels constituent d’ailleurs un autre grand thème de ses recherches.
Adaptant une méthode américaine, et avec divers collègues, dont Guillaume Favre, également membre du LISST, Michel Grossetti a travaillé à la comparaison des caractéristiques des réseaux en France avec celles des réseaux aux Etats-Unis, en Chine et en Afrique. Cela permet de vérifier que si les réseaux varient selon le contexte (part des relations familiales ou amicales, densité, diversité sociale…), ces variations sont suffisamment limitées pour que les comparaisons fassent sens. Ces enquêtes ont montré, en répétant l’enquête à 16 ans d’intervalle dans la région toulousaine, que les réseaux ont peu évolué mais que l’on observe une tendance à l’accroissement de leur homogénéité sociale, donc d’une forme d’entre-soi.
Chercheur récompensé, chercheur engagé
Surpris, heureux et honoré de recevoir cette médaille d’argent CNRS, Michel Grossetti voit en cette distinction certes la reconnaissance des travaux accomplis mais aussi et surtout celle d’une recherche collective et collaborative. C’est tout une communauté qui est ainsi récompensée.Ce prix vient aussi conforter Michel Grossetti dans son militantisme pour la défense des sciences sociales, dans la vision et la pratique affirmées à l’UT2J. Face d’une part aux discours décrédibilisants et d’autre part au développement des simulations multi-agents et de l’intelligence artificielle, il est très vigilant et déterminé à affirmer la spécificité des sciences sociales et la nécessité de pratiquer le travail d’enquête et le terrain. Le social ne peut être mis en équation.
Avant de prendre sa retraite, Michel Grossetti a à cœur de finaliser plusieurs projets comme la coordination de la suite de l’enquête sur la vie pendant le confinement (ANR PANELVICO), l’animation du Laboratoire des Idées sur les Nouvelles Questions Sociales (LINQS) du LabEx SMS ou encore la préparation d’un colloque autour de son ouvrage Matière sociale avec des collègues philosophes.
Crédit photo
© David Villa ScienceImage/CBI/CNRS