Toutes nos félicitations à Claire Gheerardyn, lauréate d’une chaire médiation scientifique 2023 de l’IUF

Maitresse de conférences en littérature comparée à l’UT2J depuis 2016, membre du laboratoire LLA-CREATIS, Claire Gheerardyn enseigne en lettres modernes. Elle est de ces chercheurs, investis, qui savent porter un regard attentif sur chaque chose, prérequis à une recherche constamment nourrie.

Ancienne élève de École normale supérieure, elle a ensuite été lectrice à Harvard University et et a effectué de nombreux séjours de recherche à l'étranger, comme au Collegium Eötvös de Budapest, à la Scuola Sant’Anna de Pise, au Henry Moore Institute de Leeds. Réalisant son travail de thèse à l’Université de Strasbourg en littérature comparée, elle s’est intéressée aux relations entre littérature et sculpture, à travers l’étude des monuments notamment, dans le monde occidental entre le XIXe et le XXIe siècles.

Ses recherches actuelles portent sur les présences concrètes de la poésie dans l’espace public, ou l’étude de la manière dont la poésie agit sur l’existence, autour de quatre axes qui s’entremêlent et communiquent : les relations entre la littérature et les autres arts, dont la sculpture ; la matérialité des objets ; le questionnement autour des monuments, ce qui implique de s'interroger sur l'iconoclasme et la destruction; et enfin l'impact des œuvres sur la vie.

Sur les sentiers éveillés /  Sur les routes déployées / Sur les places qui débordent  / J’écris ton nom (Paul Eluard)

Après avoir observé pendant des années des inscriptions sur des sculptures, Claire Gheerardyn est de nouveau frappée, lors d'un séjour en Ecosse, par la récurrence de la poésie contemporaine dans l’espace public, c'est le déclic à un nouveau chantier de recherche.
De ce constat nait des questionnements et une formidable envie d’en savoir davantage sur ce phénomène contemporain. Hors du livre, çà et là, des poèmes sont inscrits. Ils revêtent différentes formes : sur des monuments, dans des œuvres d’art, sous la forme de fresque, gravé sur du mobilier urbain, sur des pavés, des trottoirs, des rochers. Ils apparaissent aussi bien dans de grandes villes (comme Montréal), que dans la campagne alsaciennes et dans les collines écossaises. Via ce phénomène, le poème entend jouer un nouveau rôle dans l’espace de vie des populations.

C’est tout cet espoir dans le poème qui est au cœur du projet « In situ placer des poèmes dans l’espace public » de Claire Gheerardyn, lauréat de la chaire médiation scientifique 2023 de l’IUF.

L’objectif du projet est d’étudier ce phénomène dans ces plus grandes extensions, la fois dans le temps et à travers le monde (Europe, Amériques, Asie, monde arabe…). Le projet traitera aussi bien de la genèse du phénomène que de son histoire et extension, de son fonctionnement et des fonctions qu’il revêt.

Poetry, ποίηση, poesia, diktning

Deux éléments sont particulièrement importants pour Claire Gheerardyn à travers ce projet.

En premier lieu, la question des langues. Dans beaucoup de cas, il ne s’agit pas d’un seul poème mais bien d’un ensemble de poèmes, inscrits les uns à côté des autres ou se répondant d’un pays à l’autre. Ils peuvent être écrits dans différentes langues : des langues majoritaires universelles ou des langues en voie de disparition (langues dialectales ou autochtones). L’objet poème affirme alors l’existence de cette langue et lutte contre son effacement.

Une attention particulière sera aussi portée à la question de la commémoration. Nouveau dispositif émergeant, le chemin de poèmes, par exemple, peut constituer une nouvelle forme de monument, avec une dimension mémorielle forte.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème (Arthur Rimbaud)

Fort d’un large volet pédagogique, le projet entend associer les étudiants du master littérature et arts à toutes ses étapes de développement. Claire Gheerardyn a à cœur de leur proposer des cours et des évènements (ateliers, masterclasses, workshops) sur la manière d’associer travail de terrain et littérature, tant dans la pratique que dans la réflexion sur cette même pratique, en rencontrant des chercheurs d’autres disciplines pour lesquelles le terrain est central par exemple.

Les étudiants seront notamment associés à un grand projet d’enquêtes sur le terrain afin de s’interroger sur la médiation faite autour des œuvres in situ. Il s’agira de recueillir des données sur les attentes du public, dresser un panel de ses réactions face à des œuvres in situ et documenter leur expérience, qui ne relève pas seulement de la lecture mais implique bien d’autres paramètres.

A terme, afin que l’expérimentation soit totale, Claire Gheerardyn souhaiterait, toujours avec les étudiants, créer un vrai poème in situ à Toulouse. Cela permettrait de traverser tout le processus de conception de l’intérieur et de se confronter directement aux réactions extérieures.

Impliquée et appliquée, Claire Gheerardyn saura sans nul doute rendre bénéfique le temps octroyé par l’IUF pour faire un travail de réflexion, de recherche et de terrain de qualité.
 

Légende photos :
Couv. Claire Gheerardyn à Lille, devant le Monument au général Faidherbe  (Antonin Mercier, 1896, Lille), contesté en 2020 pendant le mouvement Black Lives Matter. © Franck De Groote, juin 2023.
Vers d'Éluard ("Liberté" et "Mes heures") gravés à la surface du monument Le Poète ou Hommage à Paul Éluard (Ossip Zadkine, 1954, Paris). © Claire Gheerardyn, 2019.
Vers d'Eluard ("Liberté", en français et dans une traduction bulgare) à Sofia sur la façade du Petit Théâtre de la Ville "derrière le Canal", dans le cadre du projet Wall to Wall Poetry lancé par l'Ambassade des  Pays-Bas en 2004. © Franck Bielle, 2018.
Détail du "Bateau Ivre" de Rimbaud, peint en entier sur un mur de la rue Férou (Paris) par la fondation Tegen Beeld en 2012. © Claire Gheerardyn, 2019